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Marine Thevenet et "Juneru" : Au cœur de l’exigence d’un 8C mythique

Marine Thevenet a marqué un tournant majeur dans sa carrière de grimpeuse en enchaînant son premier 8C bloc, « Juneru ». Après un an de travail acharné, d’entraînements ciblés et d’introspection, elle rejoint le cercle très restreint des femmes ayant atteint ce niveau d'excellence dans le monde de l’escalade. Mais au-delà des chiffres et des cotations, Marine incarne un modèle de persévérance, d’engagement et d’amour inconditionnel pour la grimpe. GrimpActu a eu la chance de discuter avec elle pour comprendre ce que représente cette réalisation et comment elle aborde l'escalade avec une philosophie bien à elle.


La consécration d’un projet


Pour Marine, atteindre le sommet de « Juneru » a été une expérience surréaliste, mais profondément gratifiante. « J'ai grimpé la fin en mode automatique », confie-t-elle, encore

Pourtant, c'est seulement lorsqu'elle s’est retrouvée debout au sommet qu’elle a pu savourer l’ampleur de son succès : « Beaucoup de joie, un peu d’irréel... et surtout, beaucoup de fierté. Quand on s'investit autant dans un projet qui nous tient à cœur, c'est une véritable consécration. » Cet accomplissement n’est pas qu’une simple victoire technique, mais le fruit d’une année de travail minutieux. L'échec de sa première tentative l’an dernier a servi de boussole pour ajuster son entraînement. Marine savait exactement sur quels points travailler : « J'avais du mal à rester statique longtemps entre les mouvements, alors j'ai renforcé cet aspect avec des exercices de blocages et des séries sur des blocs où il fallait tenir trois secondes. »

Et même face à des blessures récurrentes aux doigts, Marine a trouvé la force de se relever, grâce à un entourage bienveillant et des méthodes adaptées.


"Juneru" : un 8C aux mouvements précis


"Juneru" est un bloc redoutable, exigeant à la fois sur le plan technique et physique, notamment pour les doigts. Marine nous parle des difficultés qu’elle a rencontrées :

« Le mouvement clé, c’est de serrer une petite réglette plate avec la main droite, poser un talon et une contrepointe pour atteindre une prise verticale avec la main gauche. Ensuite, il faut réussir à ‘libérer’ les jambes pour envoyer sur une arquée correcte. »

Mais pour Marine, un autre obstacle inattendu s'est présenté dès le premier mouvement, pourtant jugé "simple" par d’autres grimpeurs. En raison de sa taille, elle a dû adopter une approche plus dynamique : « Normalement, ce premier mouvement n'est pas très dur, mais comme je suis petite, je devais dynamiser pour attraper une réglette fuyante avec la main droite. » "Juneru" ne pardonne rien, chaque position compte, chaque mouvement est millimétré. Mais pour Marine, c’est cette recherche d’équilibre et de précision qui a rendu l’expérience encore plus enrichissante.


Une évolution inspirante dans le monde de l'escalade féminine


L'ascension de Marine n’est pas seulement personnelle, elle fait écho à un mouvement plus large dans l’escalade féminine. Cette année, elle s’est sentie particulièrement inspirée par les autres grimpeuses : «  Cette année, en particulier, j'ai été très admirative et très inspirée par les autres grimpeuses. Je ne suis pas particulièrement inspirée par les cotations, mais plutot par ce que les filles mettent en place pour arriver au niveau ou elles veulent être. J'ai grimpé avec beaucoup de filles qui vont grimper seules, qui s'entrainent pour un projet spécifique, qui assument leurs envies de réaliser des blocs durs et qui prennent le risque de ne pas y arriver. Je ne sais pas si c'est que je ne le voyais pas avant, ou si c'est un phénomène qui émerge, mais j'aime beaucoup ce que la grimpe outdoor féminine propose ces dernières années ! »

Elle cite ces femmes qui grimpent seules, qui s'entraînent avec acharnement, et qui, malgré les doutes et les risques d’échec, se lancent dans des projets ambitieux.

Marine ne perçoit pas de véritables barrières empêchant les femmes d’accéder aux plus hauts niveaux : « J'avais très peur d'aller grimper seule avant l'année dernière, c'est quelque chose que je n'avais jamais fait. Du coup, ça me limitait car j'étais toujours dépendante des autres. Alors je suis allée chercher de l'aide, auprès d'autres filles qui y arrivaient, en me disant que la plupart des grimpeurs mecs que je connais le font, j'ai mis des choses en place, et aujourd'hui, si un bloc me plait, je ne me pose pas trop de questions, j'y vais. Seule ou avec des amis, s'ils sont aussi motivé(e)s. Je pense que ce ne sont pas des barrières purement féminines ; c'est plutot une approche de la grimpe. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que les filles assument plus d'avoir des projets et d'être motivées à 100%. La performance n'est pas réservée aux mecs. Et quand on est motivée, on fait tomber toutes les barrières."



L’échec comme moteur de progression


L’échec est omniprésent en escalade, et Marine en parle avec une honnêteté désarmante. « Quand on part d’un trip sans avoir réussi son projet, ça brise le cœur ! » Mais loin de se laisser abattre, elle utilise ces moments de déception comme des leviers pour progresser. Chaque échec est une leçon, un tremplin pour de futurs succès. « L’échec, c’est 99 % du temps en escalade, si on considère l’échec comme le fait de ne pas sortir un bloc. Mais chaque progrès, chaque mouvement réussi, est une victoire en soi. En parallèle de projets, je pense que c'est important de "grimper", que ça soit dans d'autres blocs, faciles ou non. De ne pas se focaliser uniquement sur un projet, mais de faire des blocs d'échauff, pour se raccorcher aux mouvements et à la grimpe »

Cette vision positive et nuancée de l'échec est une philosophie qui s’applique bien au-delà de l'escalade. Dans la vie professionnelle et personnelle de Marine, cet état d’esprit lui a permis de trouver un équilibre, de savoir s’adapter, et de toujours garder le cap malgré les obstacles.


Conciliation entre passion et vie personnelle : le chemin vers l'équilibre


L'escalade de haut niveau exige un investissement total, et il n'est pas toujours simple de trouver un équilibre avec les impératifs de la vie professionnelle et personnelle. Marine Thévenet, qui a elle-même navigué entre ces différents aspects, partage une vision pragmatique et réfléchie sur le sujet : « C'est avant tout une question de choix et de priorités. J'ai toujours voulu garder l'escalade au cœur de ma vie, tout en ayant une carrière dans laquelle je m’épanouis. J'aime progresser dans différents domaines. »

Mais cet équilibre n'est pas toujours facile à maintenir. Elle se souvient de périodes où sa vie professionnelle prenait le pas, avec des conséquences sur sa pratique : « Il y a des moments où j'ai beaucoup travaillé, et ça a affecté ma grimpe. J'étais souvent fatiguée, sujette aux blessures, et parfois en manque de motivation. » Voir ses amis partir pour de longs trips d'escalade, alors qu'elle était contrainte de les rejoindre plus tard, n'a pas toujours été facile. Mais pour elle, ces sacrifices n'ont pas été vains. « Ces périodes m'ont permis de construire la liberté dont je dispose aujourd'hui. Elles m'ont aidée à trouver un équilibre qui me convient. »

Quand il s'agit de conseils pour les jeunes grimpeurs et grimpeuses, Marine insiste sur l'importance de savoir écouter son corps et de s’adapter aux circonstances. « Il faut être capable de se remettre en question, surtout quand on enchaîne les blessures ou qu'on se sent épuisé. Dans ces moments-là, il faut accepter de grimper moins, mais plus intelligemment. » À l’inverse, quand la frustration s’installe dans la pratique, elle recommande de trouver des sources de fierté en dehors de l’escalade : « Ça aide vraiment à garder la motivation. »


Une passion sans compromis


L'escalade de haut niveau implique souvent une pression énorme pour repousser ses limites, mais Marine conserve une relation pure et passionnée avec ce sport. « Quand je suis bloquée dans un mouvement et que j’ai envie de le réussir, je ne pense plus à la performance. La motivation prend le dessus. » C’est cette passion intacte, ce plaisir de grimper, qui continue de la guider dans son parcours.

Elle s’est également détachée des pressions liées aux cotations, notamment en raison de sa taille : « Les cotations ne veulent rien dire. Si un mouvement est morpho, ça peut rendre le bloc inaccessible pour moi. Ça m’a permis de relativiser et d’enlever beaucoup de pression. » Une leçon précieuse pour tous ceux qui cherchent à atteindre des sommets : la performance ne se mesure pas qu'en chiffres, elle est aussi une question de plaisir et de motivation.


💬 : Marine Thevenet

📷 : Joseph Hallepee

📝 : GrimpActu.

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