Loïc Debry : De l’Afrique à La Picharête une Aventure entre Vélo et Escalade
- GrimpActu
- 22 janv.
- 5 min de lecture
Tout commence par le rêve d’enfance de ma copine Sophie Berthe : parcourir le monde à vélo, en commençant par l’Afrique. Quand elle m’en parle pour la première fois, nous sommes dans notre appartement en Belgique. À ce moment-là, pour moi, c’était hors de question de me lancer dans un projet pareil. Je m’appelle Loïc, j’ai 28 ans, et je grimpe depuis 20 ans. L’Afrique à vélo ? Ce n’était pas du tout dans mes projets. Déjà, je n’aime pas le vélo. Moi, je veux juste grimper. Grimper, c’est ma vie, et je n’ai aucune intention de mettre mon sport favori de côté pendant un an. Mais Sophie a de la patience. À force de me montrer des photos et de me faire rêver, je commence doucement à céder. Il faut dire que l’objectif final en Afrique du Sud a fini par me convaincre : Rocklands !

Un rêve de voyage : l'Afrique à vélo
En septembre 2022, nous démarrons du Caire pour l’aventure d’une vie. Les 2000 premiers kilomètres défilent sans qu’on croise un seul caillou digne de ce nom. En revanche, les aventures sont au rendez-vous.
Les premiers rochers apparaissent enfin en plein désert soudanais, près d’un site pyramidal. Au petit matin, nous grimpons sur quelques blocs avec les pyramides en arrière-plan. Un moment magique, mais éphémère : dès 10 h, il fait déjà 40 degrés, mes pieds gonflés ne rentrent plus dans mes chaussons neufs, et le rocher noir devient brûlant ! Nous sommes forcés de remonter sur nos vélos pour fuir la chaleur écrasante.

Le premier site d’escalade digne de ce nom que nous croisons se trouve dans le sud-ouest du Kenya : un petit village niché dans la jungle, entouré de blocs de granite orange. Là, je découvre un bloc que j’ai nommé "La Bouboule belge", un magnifique bloc en équilibre qui rappelle le Bilboquet de Fontainebleau. J’ai eu la chance d’en réaliser la première ascension. C’est de loin le plus beau bloc que nous ayons découvert en Afrique pour le moment, et c’était un plaisir de retrouver de telles sensations malgré l’humidité et la chaleur.

Notre route nous emmène ensuite à travers l’Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie, la Zambie et le Botswana. Nous ne prenons malheureusement pas vraiment le temps de sortir des gros axes routiers pour trouver des sites d’escalade. C’est en Namibie que nous avons l’occasion de re-grimper. Nous faisons un arrêt au Spitzkoppe : un site majestueux qui offre des secteurs de bloc incroyables au pied d’une immense tour granitique. Grimper là-bas, avec le vent qui s’amuse à emporter nos mini-crashpads, reste une des expériences les plus marquantes du voyage.

Rocklands : le paradis du bloc en Afrique du Sud
Finalement, début août 2023, nous arrivons à Rocklands, en Afrique du Sud. Nous décidons d’y rester un mois et demi. Mais la reprise est rude : les muscles du haut du corps ont méchamment fondu suite aux 12 000 km de vélo depuis le Caire. Tout au long du voyage, j’ai essayé d’entretenir un peu la force de mes doigts et de mes bras, en faisant de temps en temps des exercices sur la petite poutre portative que nous avions embarquée. Malgré ça, je me sens très faible sur le rocher.
L’endroit est magnifique et c’est une récompense incroyable de pouvoir profiter d’un endroit comme celui-ci après un an de vélo. Les premiers jours passent et la sensation de faiblesse s’estompe étonnamment vite. En moins d’une semaine, je ré-enchaîne mon premier 8a ! Peut-être que les cotations un peu gentilles de Rocklands y sont pour quelque chose, mais je suis tout de même ravi ! Cela fait maintenant bientôt un mois que nous sommes à Rocklands et mon niveau a explosé ! Jamais je n’avais pensé reprendre du niveau aussi vite.

Hélas, une mauvaise chute sur un bloc haut met fin à mes progrès. Je tombe la jambe tendue sur un pad trop mou et ma jambe tente de se plier dans le mauvais sens. Je ne le sais pas encore, mais c’est une rupture partielle des ligaments croisés. Sur le moment, je minimise la gravité de la blessure. Les services hospitaliers locaux étant limités, je décide d’attendre, et de voir comment mon genou évolue. Dix jours plus tard, je peux terminer les 200 kilomètres qui me séparent du Cap. Pousser vers le bas sur les pédales ne me fait heureusement pas trop mal.
C’est en rentrant en Belgique en octobre 2023 que le diagnostic tombe. J’en ai pour 5 mois pour une rémission complète. Pour moi, c’est la déconfiture. Je pensais reprendre l’escalade à fond à notre retour. Cela va devoir attendre. La frustration est d’autant plus grande que nous avons décidé d’aller habiter à Fontainebleau pour nous rapprocher des rochers. Nous y pensions déjà avant de partir, mais l’idée s'est concrétisée pendant le voyage.
Fontainebleau : entre rémission et nouveaux projets
En janvier 2024, nous sommes enfin installés à Fontainebleau. Par souci écologique, et aussi un peu par culpabilité face à l’impact environnemental de nos déplacements en avion l’année précédente, nous nous déplaçons uniquement à vélo. Mon objectif de rémission est clair : ré-enchaîner un 8a bellifontain. À moins de 5 km à vélo de notre nouvelle maison se trouve le bloc parfait : un 8a en traversée ascendante vers la droite qui sollicite peu ma jambe droite encore fragile. Je réussis le bloc en seulement deux séances !
Motivé comme jamais, je m’intéresse alors au départ assis de ce bloc, appelé “La Picharête”, un 8c récemment ouvert par Nicolas Pelorson. L’un des avantages de ce bloc est que les chutes ne sont pas très hautes, ce qui me permet de travailler les mouvements malgré mon genou encore douloureux. J’y retourne régulièrement. Malgré le temps passé sur le bloc cet hiver-là, plusieurs mouvements me résistent encore.
En février 2024, mon genou est enfin guéri ! Pendant les mois qui suivent, je sillonne la forêt de Fontainebleau à vélo avec une énergie débordante. Je parviens à enchaîner plus d’une quarantaine de blocs dans le 8e degré, dont mon premier 8b+, suivi de quatre autres dans la même cotation !
À la fin de 2024, je retourne sur La Picharête. Cette fois, je suis prêt. Avec l’aide d’autres grimpeurs rencontrés sur place, je peaufine mes méthodes et réussis enfin tous les mouvements, ainsi que de belles sections. Au fil des séances, je progresse toujours un peu plus loin dans le bloc. Je tombe même quatre fois sur le dernier mouvement. L’enchaînement est tout proche.
Mi-janvier 2025, je m’assieds une énième fois au pied de La Picharête. Je m’élance, concentré, et cette fois, je me rétablis au sommet du bloc ! Quelle incroyable façon de commencer l’année. Mon premier 8c bloc ! Je repense à notre départ du Caire, il y a maintenant plus de deux ans… J’ai l’impression que c’était hier.
Déménager à Fontainebleau avec Sophie reste l’un des meilleurs choix de ma vie. Je suis immensément heureux de vivre si proche de la forêt et de ses rochers. Je tiens particulièrement à la remercier pour m’avoir entraîné dans cette aventure titanesque à travers l’Afrique et pour partager avec moi cette vie extraordinaire à Fontainebleau.

✏️ Loïc Debry
📸 Sophie Berthe
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