L’escalade est un sport qui met à l’épreuve de nombreuses qualités motrices. Pour améliorer la compréhension et l’entraînement autour des disciplines de bloc, difficulté et vitesse, nous allons discuter de deux qualités physiques qui se détachent : la force et l’endurance
La Force et l’Endurance
La force et l’endurance des fléchisseurs des doigts sont deux qualités physiques dont on entend souvent parler dans le cadre d’analyse de performance ou d’entraînement en escalade, mais les méthodes d’analyses de ces capacités restent très peu connues dans ce sport.
La Force des doigts pour transmettre les mouvements produits par les muscles des bras malgré les contraintes de préhension. Tout grimpeur ayant cherché ses limites s’est déjà confronté à sa limite de force doigts. En effet, la capacité de nos fléchisseurs des doigts à produire une force importante en fonction de la modalité de préhensions (arquées, tendus, pince…), nous offre la possibilité de transmettre les forces produites par le mouvement concentrique des bras aux préhensions fixées sur le mur nous permettant alors de nous déplacer. Une force importante au niveau des fléchisseur permet donc de transmettre plus de force sur le mur et ainsi avoir plus de liberté de mouvement du corps entier.
L’Endurance de force des doigts est la capacité que nous avons à maintenir cette force au cours du temps. Cette dimension s’illustre très bien dans la discipline de difficulté mais également lors d’ascensions de lignes de blocs impliquant de nombreux mouvements ou impliquant un temps d’effort maximal autour de 30 secondes à plusieurs minutes comme il est possible de le rencontrer en falaise. Cette qualité est également importante dans le cadre des charges d’entraînement à haut-niveau.
De nombreux articles scientifiques mettent en avant l’importance de ces deux facteurs dans la performance en bloc comme en difficulté 1,2,3, 4.
Le profil de force-endurance permet d’illustrer la capacité d’un grimpeur à maintenir une force maximale pendant un temps donné. Chaque athlète a son propre profil de force-endurance, qui dépend de facteurs biomécaniques et physiologiques spécifiques1 . Ce profil s’illustre par une décroissance de force jusqu’à atteindre un plateau. On peut identifier un profil par le biais de paramètres tels que la force maximale initiale (Fi) le taux de décroissance de force (t), l’intensité au niveau du plateau appelée force critique (FC), ainsi que l’aire entre la capacité maximale qui évolue au cours du temps et la force critique qui représente la réserve énergétique (W’) (cf. schéma ci-dessous).
Figure : Schéma du profil de la force musculaire en fonction du temps. Reprise de la présentation de B. Morel-Prieur lors de la coupe d'Europe de bloc à Chambéry 2023.
Dans cet article, nous décrivons la notion de force critique, son importance dans les disciplines de difficulté et de bloc ainsi que les méthodes d’évaluation actuelles de ce paramètre.
Le Concept de Force Critique
Le concept de Force Critique a été introduit par Hill en 19255 et peut être définie comme la plus haute intensité d’effort qu’un individu peut maintenir indéfiniment sans fatigue4. En d’autres termes, un effort au-dessus de ce seuil sera limité dans le temps contrairement à un effort en dessous de ce seuil 1.
Figure : Découverte du concept de force critique en 1925 par Hill
L’Importance de la force critique en escalade.
Des études récentes en escalade ont démontrées l’importance de ce paramètre musculaire dans la performance (explication de 60% de la performance en difficulté et 23% pour la performance en bloc malgré la variabilité motrice de cette activité)1,2
Comment évaluer la force critique
Il existe actuellement trois tests pour mesurer la force critique, mais seulement deux d’entre eux ont été validé sur les fléchisseurs des doigts.
Le premier, validé sur les fléchisseurs des doigts en suspensions, en est appelé « All-out »2. Le principe ? Maintenir la force maximale volontaire dont vous êtes capables pendant 5 minutes. Ce test provoque cependant une fatigue très importante dont il faut plusieurs heures pour récupérer.
Figure : Force en fonction du temps lors d'un test All-Out des fléchisseurs des doigts en suspension à un bras. Michailov et al. 2018
Le second, « temps limite », consiste à mesurer de manière indépendante le temps d’épuisement en fonctions de la force maintenues relative à chaque test. Concrètement, l’athlète réalise plusieurs tests indépendants où il doit maintenir une force cible le plus longtemps qu’il est capable. Il est ensuite possible de reconstituer la relation hyperbolique passant par ces points dont l’asymptote (le plateau vers lequel tend la courbe) représente la force critique4. Ce test a cependant quelques désavantages notamment, la fatigue produite et le temps de mise en place conséquent imposant au moins 24 à 48h de repos entre chaque essai.
Figure : Illustration de la puissance ou force en fonction du temps modélisée par trois temps limite. Giles et al. 2019
Le dernier, a été développé récemment par Baptiste Morel-Prieur et Maximilien Bowen de l’Université Savoie Mont-Blanc, est un test sous-maximal de 5 minutes. Celui-ci n’a pas encore été validé sur les fléchisseurs des doigts en suspension. Il s’intitule Ramp Above Critical Load Exhaustion Test (RACLET) et consiste à maintenir une force sous maximale linéairement décroissante. Chaque 30 secondes, le grimpeur exerce une contraction maximale volontaire (CMV) pendant un court laps de temps (2 à 3 secondes). Si la force cible qu’il doit maintenir est au-dessus du seuil, il fatiguera et ses CMV vont donc diminuer. Lorsque la force cible vas passer sous le seuil de force critique du grimpeur, les CMV vont remonter en intensité puisque l’athlète sera en train de récupérer. Il ne restera ainsi plus qu’à observer l’intensité cible où les CMV sont les plus basses avant de remonter (cf. figure 5).
Figure : Schématisation d'un test RACLET par B. Morel-Prieur 2023
Étude en cours à Chambéry Escalade
Depuis le début d’année 2023, le club de Chambéry Escalade à monter un pôle recherche et développement scientifique pour aider entraîneurs et grimpeurs à mieux comprendre les facteurs de performance de notre sport. L’une des études en cours, en partenariat avec le laboratoire LIBM* de l’USMB**, consiste à vérifier la validité et la reproductibilité de ce test RACLET. La chaine d’acquisition développée pour ce test sera disponible en libre accès pour laisser possible l’utilisation au plus grand nombre.
💬 BERTAULD-BÉCOURT Florian
🗞 GrimpActu!
* Laboratoire Inter-Universitaire de la Biologie et de la Motricité (LIBM)
** Université Savoie Mont-Blanc (USMB)
Bibliographie
Saul, D., Steinmetz, G., Lehmann, W. et Schilling, AF (2019). Déterminants du succès en escalade : une revue systématique. Journal des sciences de l'exercice et du fitness , 17 (3), 91-100.McCLEAN, ZJ, MacDOUGALL, KB, Fletcher, JR, Aboodarda, SJ et Macintosh, BR (2023). Fiabilité test-retest d'un test de force critique complet de 4 minutes chez les grimpeurs. Journal international des sciences de l'exercice , 16 (4), 912.Michailov, ML, Baláš, J., Tanev, SK, Andonov, HS, Kodejška, J. et Brown, L. (2018). Fiabilité et validité des mesures de force et d'endurance des doigts en escalade. Recherche trimestrielle sur l'exercice et le sport , 89 (2), 246-254.Giles, D., Chidley, JB, Taylor, N., Torr, O., Hadley, J., Randall, T. et Fryer, S. (2019). La détermination de la force critique doigt-fléchisseur chez les grimpeurs. Revue internationale de physiologie et de performance du sport , 14 (7), 972-979.Hill, A. V. 1925. The physiological basis of athletic records. Nature 116: 544–548.