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Katherine Choong : Enchaîner Zahir à la force du corps et de l’esprit


Certaines voies mythiques incarnent plus que de simples défis techniques, elles sont des symboles d’aventure, de détermination et de rêve. Pour Katherine Choong, grimpeuse suisse au palmarès impressionnant, Zahir, l’une des voies les plus difficiles des Alpes suisses, représentait depuis toujours un mélange d’admiration et de crainte.



"Zahir est une voie classique, l'une des plus difficiles des Alpes suisses, et depuis toujours, elle me faisait rêver autant qu’elle m’effrayait. Cette année, je me sentais prête : j’avais enfin le bagage nécessaire pour me lancer dans cette aventure."


Seul un partenaire manquait à l’appel pour cette épopée, mais Eline, une amie et compagne de cordée, s’est vite imposée comme la partenaire idéale.


"Quand je lui ai proposé Zahir, elle a eu l'idée de relever un défi supplémentaire en la réalisant en Ecopoint, c'est-à-dire uniquement en utilisant les transports publics et le vélo pour s’y rendre. Ce petit challenge supplémentaire m'a tout de suite motivée."


Ainsi, en plus de l’effort physique et mental imposé par Zahir, s’ajoutait une dimension environnementale avec un voyage où le confort serait sacrifié au profit de la simplicité et de la nature.


Les premiers jours : entre difficultés et découragement


Dès le premier jour, Katherine et Eline se heurtent aux réalités de cette voie redoutable. La longueur en 6C, avec un premier point situé à une dizaine de mètres, les met immédiatement « dans l’ambiance ».


Le premier jour, nous nous sommes lancées dans la 6c. Le premier point est à 10-15 mètres sur une dalle terrible, ce qui donne tout de suite le ton. La 8a qui suit est plutôt simple : un très joli mur déversant, homogène, avec un crux tout en haut. Mais ensuite vient la voie en 8b+, la troisième longueur. Là, on a vraiment galéré pour placer le premier point. Je n’arrivais pas à atteindre le spit, et une chute à ce moment-là aurait été vraiment problématique. Ce jour-là, nous avons réussi à grimper trois spits de plus, mais pas au-delà."


Après une journée épuisante et sans avoir atteint le relais, le découragement commence à se faire sentir.


"Le lendemain, Eline a réussi à placer un point supplémentaire, mais nous n’avions toujours pas hissé la corde jusqu’au relais ! Quelle galère. Nous étions complètement bloquées : il fallait trouver les méthodes, sans magnésie, avec des prises invisibles, tout en enchaînant les chutes qui demandaient une énergie mentale folle. Finalement, nous avons bricolé une sorte de perche avec ce qu’on avait sous la main et du strap pour réussir à monter la corde. Nous avions vraiment tout essayé avant, c’était notre dernière option."


Après six jours à déchiffrer chaque mouvement, les grimpeuses commencent à maîtriser les difficultés de la voie...


"Ensuite, nous avons réussi à décomposer chaque section, mais il nous a fallu au moins six jours avant de réussir tous les mouvements. Certains passages étaient très éloignés, et pendant plusieurs jours, j’ai cru que je ne pourrais pas les passer à cause de ma taille. Mais Eline m’a beaucoup aidée à trouver des méthodes adaptées, en serrant des intermédiaires minuscules et en utilisant des techniques un peu originales.

Une fois, nous sommes allées repérer les longueurs du haut. Sur le papier, elles ne semblent pas extrêmes, mais en réalité, même le 6c m’a paru vraiment difficile. Et surtout, il y avait très peu de points ! À certains endroits, la chute n’était tout simplement pas permise."


L’importance de l’équipe : le soutien d’Eline


Si Katherine a su enchaîner Zahir, c’est en grande partie grâce à son duo avec Eline, dont le soutien et la positivité ont été cruciaux tout au long de l’ascension.


"Eline a été d’un soutien incroyable. Elle incarne littéralement la joie : toujours de bonne humeur, toujours positive. Alors que moi, je panique un peu et me dis qu’on n’y arrivera jamais, elle est là pour me rappeler que tout ira bien et qu’on trouvera une solution.


Ce partage de la charge mentale, essentiel dans une grande voie aussi complexe, a été un véritable soulagement pour Katherine, qui a pu se concentrer sur ses mouvements, sachant qu’Eline veillait à l’ensemble des détails."


"Je sais que je peux lui faire confiance à 100 %. Avec quelqu’un d’autre, cela n’aurait clairement pas été pareil. Je lui dois cet enchaînement, sans aucun doute.

Elle était aussi très proche de réussir la 8a et bougeait vraiment bien dans la 8b+. Maintenant, c’est à mon tour de me consacrer à son enchaînement. Elle va tout donner encore demain, et je serai là pour la soutenir autant qu’elle l’a fait pour moi."


Zahir : un défi technique et mental


La longueur clé de Zahir, ce fameux 8b+, aura marqué Katherine à jamais.


"La longueur clé de Zahir, le 8b+, est une section d’environ 20-25 mètres avec des prises minuscules comme des lames de rasoir. Ça fait extrêmement mal à la peau, et la douleur était un facteur limitant majeur pour travailler la voie ! Pour moi, la grande difficulté était une section au milieu où un long mouvement m’obligeait à m’étendre et à trouver des petites prises intermédiaires ainsi qu’une méthode qui m’était propre pour la franchir. Quel soulagement quand j’ai trouvé la solution ! Ensuite, il y avait une section avec des prises très petites, où chaque placement de pied et chaque position du corps étaient cruciaux pour tenir les prises et éviter de tomber. C’est difficile à la base, mais c’est une longueur incroyable."



Le jour décisif : la pression de la dernière chance


Le jour de l’enchaînement, Katherine ressent une pression intense. Après deux chutes successives dans le crux du 8b+, le soleil tape sur le mur, le temps presse et la météo tourne...


"Le jour de l’enchaînement, j’ai d’abord chuté deux fois dans le crux du 8b+. Il était déjà 11h30, le soleil frappait fort sur le mur, notre voyage touchait à sa fin et la météo se détériorait vraiment. Je savais que c’était ma dernière chance. En général, la pression de la dernière opportunité m’aide énormément à tout donner et à ne rien lâcher.


Pour le troisième essai, j’étais déterminée. J’ai franchi le premier crux, puis le second, mais malheureusement, au tout dernier mouvement, ma prise a glissé légèrement et je suis tombée juste avant le bac final. Gérer cette déception et cette colère a été extrêmement difficile, mais après 30 secondes, je me suis remobilisée et un déclic s’est produit dans ma tête. Je savais que je pouvais y arriver, peu importe les circonstances. Peu importe la douleur, que mon doigt saigne sur les prises ou que le soleil chauffe ces minuscules croûtes, c’était maintenant ou jamais.


Je suis donc entrée dans ma bulle pendant une heure, me reposant et repensant à d’autres moments de ma carrière où, bien que fatiguée, j’avais réussi grâce à ma force mentale. C’est vraiment la magie de l’escalade. Lorsque je me suis relancée dans la voie pour un quatrième essai, dès les premiers mouvements, la douleur et la fatigue ont disparu. J’ai passé les deux crux, et arrivé au dernier passage où j’étais tombée auparavant, je sentais ma main glisser à nouveau sur cette prise. Mais au lieu de paniquer, j’ai pris le temps de bien positionner mon pied et j’ai réussi à tenir la prise finale. C’était complètement fou, je n’en reviens toujours pas.

Mais ce n’était que le début. Il restait encore cinq longueurs à gravir, et une fois l’euphorie de l’enchaînement de la 8b+ passée, j’ai senti que je ne pouvais plus fermer mes mains. J’étais épuisée, avec plus de peau sur les doigts et plus de pied. La fin a été longue et douloureuse, mais finalement, nous sommes arrivées au sommet vers 18 heures, complètement ravies."


Une ascension écoresponsable : l’impact du mode Ecopoint


En réalisant cette ascension en mode Ecopoint, Katherine et Eline ont donné une dimension particulière à leur projet.


"C’était la première fois que je réalisais une ascension en Ecopoint, et c’est clairement Eline qui m’a inspirée à me lancer dans cette aventure. Avant de commencer, j’avais beaucoup d’inquiétudes. Ce n’était pas tant le nombre de kilomètres à parcourir à vélo qui me préoccupait, mais plutôt toute la logistique autour. Avec seulement deux sacoches et un sac de grains à disposition, le matériel était réduit au minimum, et le confort aussi ! Après une longue journée sous la pluie, trempée jusqu'aux os, avec juste une tente pour se changer et se réchauffer, ce n’était pas facile. Il y avait aussi un peu de fatigue physique, surtout avec une marche d’approche très raide et exposée de deux heures."


L’idée n’était pas seulement de grimper de manière écoresponsable, mais aussi de montrer qu’il est possible d’atteindre des sommets sans recourir à des moyens de transport polluants.


"Bien sûr, nous n’allons pas changer le monde avec ça, mais l’idée est plutôt d’inspirer les gens et de montrer qu’on peut grimper à son maximum même en laissant la voiture à la maison. Si je peux le faire, tout le monde peut le faire, haha !

Cela donne aussi une dimension différente au voyage. Nous rencontrons beaucoup plus facilement des gens, et la solidarité est vraiment touchante."


💬 : Katherine Choong

📷 : Julien Nadiras

🗞 : GrimpActu.




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