Katherine Choong, une grimpeuse suisse au palmarès impressionnant, a récemment ajouté une nouvelle réalisation à son répertoire en enchaînant la grande voie « La Fiesta de Los Metallos » (7b+, 7c+, 8b, 7a, 8a, 8a, 200 mètres) dans les majestueuses Gorges du Verdon. Revenons sur son aventure!
Originaire de Suisse, Katherine a commencé l'escalade à l'âge de 8 ans et a rapidement montré un talent pour l'escalade. Elle a fait partie de l'équipe nationale suisse, et a notamment remporté le titre de championne du monde junior et c'est classée finaliste en coupe du monde élite. En plus de ses exploits en compétition, Katherine excelle également en falaise, ayant notamment enchaîné la voie Jungfrau Marathon (9a) et des grandes voies telles que Hattori Hanzo (8b+) et La Ramirole (8b). Parallèlement à sa carrière d'escalade, Katherine a obtenu un master en droit et travaille comme juriste et curatrice à temps partiel.
Une voie légendaire
Ouverte en 2013 par Olivier Dutel et Nico Potar, « La Fiesta de Los Metallos » est une voie emblématique des Gorges du Verdon. Connue pour ses longueurs variées, elle offre un défi complet aux grimpeurs.
"J'aime particulièrement les Gorges du Verdon qui est un endroit tellement beau et loin du stress du quotidien. J’avais envie de faire une grande voie en 8b et après en avoir fait déjà plusieurs dans les gorges, il me restait celle-là sur ma liste.
Ses longueurs sont très variées : dièdres, fissures, colonnettes, troues, petite réglette, gros dévers et dalle old school, c’est une voie à faire !"
Katherine n'est pas une athlète qui suit un programme d'entraînement strict. Elle s'entraîne au feeling, en fonction de son emploi du temps. Son entraînement inclut des circuits sur son pan personnel, du fitness, de la suspension et du bloc.
"Je pense que j’essaie juste de donner à chaque entraînement le meilleur de moi, de me dépasser, afin de retrouver en falaise cet état d’esprit avec lequel j’arrive à me pousser hors de ma zone de confort. Au niveau mental, je compte beaucoup sur mon expérience de falaisiste mais aussi de compétitrice. Je pense vraiment que ce volet de ma vie, la compet, m’aide énormément par rapport au fait de réussir à performer à un moment donné, peu importe les conditions météorologiques ou mon état physique. Avec l’expérience, même si je ne suis pas à 100% physiquement, je sais que je peux faire confiance à ma tête."
Une ascension éprouvante :
La première tentative en avril a été marquée par des conditions météorologiques défavorables, rendant la voie impraticable à cause des fortes pluies. De retour en juin, Katherine et son partenaire Jim ont dû affronter des températures élevées et une friction médiocre des prises.
"Nous sommes d’abord venus une première fois en avril, mais de fortes pluies avaient détrempé une grande partie de la voie, les dévers en colo ayant de la peine à sécher. On a quand même pu travailler certaines parties et nous sommes revenus quand la voie semblait enfin sèche en juin. Cette fois les températures étaient plutôt élevées. Nous pensions que les deux premières longueurs en 7b+ et 7c+ étaient des longueurs d’échauffement mais on s’est bien trompés! Elle sont déjà bien physiques et te crâment déjà bien les bras pour la suite.
La 3ème longueur est la longueur en 8b et débute sur des colos avec un crux sur une prise qui malheureusement est restée toujours mouillée. On a tout essayé pour la faire sécher mais il a fallu au bout d’un moment juste accepter et faire avec. S’ensuit un dièdre très physique et assez impressionnant où tu te retrouves plein gaz. Il m’a fallu quelques montées pour me sentir à l’aise avec le fait de chuter avec autant de gaz en dessous de moi ! La peur me faisait serrer beaucoup trop les prises et m’empêchait d’aller jusqu’au bout. "
Katherine a réussi à enchaîner les 5 premières longueurs lors de son second essai depuis le sol, malgré la fatigue et la chaleur accablante. La dernière longueur (8a) a mis sa détermination à rude épreuve...
"Le jour de l’enchaînement, j’avais dû déjà beaucoup me battre dans les premières longueurs et ça me semblait vraiment compliqué de pouvoir enchaîner la 8b et d’imaginer réussir le reste. Mais bon comme j’étais là, autant tout donner et essayer d’y croire jusqu’au bout ! La chaleur rendait la friction des prises vraiment nulle mais dans un combat de l’espace, j’ai quand même réussi à la passer ! Je suis ensuite redescendu pour que Jim mon partenaire qui essayait aussi de tout enchaîner puisse essayer en tête. Et alors qu’il ne se sentait pas hyper en forme, il enchaîne également cette longueur clef ! La machine d’enchaînement était lancée. Je remonte sur ma corde statique pour continuer les autres longueurs et on enchaîne assez facilement les deux suivantes (7a, 8a). Nous voilà donc au pied de la dernière longueur (8a), celle où deux jours avant j’étais tombée deux fois à quelques mètres du relais final. Je me sens stressée mais aussi impatiente de tenter ma chance. Je n’ai plus beaucoup de peau, je sens la fatigue, mais j’avance jusqu’au repos avant le crux finale. J’entends les encouragements de Jim mon partenaire qui me soutient pour cette dernière partie. Je me lance, je donne tout ce qu’il me reste, je passe le crux et je me retrouve au sommet, dans un moment de joie et soulagement intense !"
Gérer la frustration et tirer des leçons :
Lors de ses premières tentatives, la chute à quelques mètres du sommet a été difficile à accepter pour Katherine.
"Tout donner sur chacune des longueurs, de s’être battue sur 200 m., d’avoir tenu mentalement pendant des heures et, suite à une demi seconde d’hésitation et de doute, de tomber si proche du but, à quelques mètres du relais, c’est effectivement très difficile à accepter sur le moment. Mais je savais que j’avais fait du mieux que je pouvais et dans ces cas-là, j’essaie d’accepter que je n’avais juste pas été assez forte et de ne pas me torturer pendant des heures avec des regrets mais plutôt d’analyser ce que je peux optimiser pour un prochain essai. Je pense qu’être bien entourée est très important pour moi et Jim était là pour me motiver à remettre un essai. Et finalement, j’ai également appris avec les années à relativiser. Après tout, l’escalade est ma passion, je fais ça parce que ça me rend heureuse, que j’arrive ou pas au sommet ne changera pas le monde, j’en aurai de toute façon tiré quelque chose de positif."
Mais cette victoire va plus loin que les conditions physiques et environnementales, comme le souligne Katherine :
"Cette expérience m’a encore montré une fois que les capacités physiques ne font pas tout. Honnêtement en arrivant au Verdon, je ne me sentais pas vraiment en forme physiquement, j’étais aussi passablement fatiguée mentalement du stress de mon quotidien. Les conditions n’étaient pas parfaites (un peu chaud), quelques prises clef mouillées, j’avais l’impression de n’avoir plus de peau au bout de deux longueurs et pourtant j’ai pu atteindre mon objectif. Alors une des leçons à retenir est que tout n’a pas forcément besoin d’être parfait, qu’il ne faut pas se mettre des barrières en se focalisant sur ce qui ne va pas mais « de faire avec », et d’essayer jusqu’au bout. "
Prochains défis :
Katherine ne compte pas s'arrêter là. En juillet, elle prévoit de tenter la grande voie Zahir (8b+ max. 300 mètres) dans les Wendenstöcke en Suisse.
«En juillet je vais essayer d’enchaîner la grande voie Zahir (8b+ max. 300 mètres) dans les Wendenstöcke en Suisse avec Eline LeMenestrel. L’idée est de laisser cette fois la voiture à la maison et d’y aller en transport public et en vélo. Je vous en redonnerai des nouvelles mais débutante à vélo, atteindre le pied de la falaise sera déjà une sacré perf’ pour moi haha."
💬 : Katherine Choong
📷 : Julia Cassou
🖊 : GrimpActu.