Les systèmes énergétiques au service de la performance en escalade
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- il y a 3 jours
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Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Cet article est rédigé par : La Clinique de la Grimpe – Eliott Piguet, Olivier Lux et Paul Brasey
Un sport intermittent par nature
Bien qu’il existe autant de styles d’escalade qu’il y a de voies dans le monde, d’un point de vue de la production de force, nous avons toujours affaire au même schéma. En effet, il s’agit d’un sport intermittent dans le sens où nous allons contracter nos muscles pour une certaine durée puis relâcher cette contraction afin de pouvoir lâcher la prise et agripper la suivante.
La grimpe se distingue donc des sports plus continus car chaque fois qu’on relâche nos muscles lors d’un mouvement, nous allons permettre à nos muscles de récupérer, même si cette micro pause est de très courte durée.

La base : comprendre les systèmes énergétiques
Mais alors comment tout cela fonctionne-t-il ? Avant de vouloir s’entrainer, il est primordial de connaitre et comprendre les différents systèmes énergétiques car ils sont à la base de la production de force.
Reprenons au début. Lorsqu’on veut serrer une prise avec la main, nous allons donc contracter nos muscles afin de générer une force suffisante pour rester contre le mur. Pour cela, nos fibres musculaires vont créer de l’énergie à partir de différents systèmes. Il en existe 3 :
Le système anaérobie alactique
Le système anaérobie lactique
Le système aérobie
Ces trois systèmes énergétiques travaillent en concomitance et vont s’activer à des taux différents selon l’intensité et la durée de l’effort demandé.
Le système anaérobie alactique dégrade directement l’ATP présent dans le muscle, puis la phosphocréatine comme source d’énergie. C’est le système permettant de créer le plus d’énergie le plus rapidement. Il ne crée pas de lactate. Cependant, il se vide significativement en une dizaine de secondes seulement.
Le système anaérobie lactique utilise le glycogène musculaire et le dégrade sans utiliser d’oxygène. Il produit du lactate qui, une fois accumulé dans le sang, peut venir perturber la fonction musculaire. Ce système permet de produire une grande quantité d’énergie mais s’épuise significativement après 1 à 2 minutes seulement.
Finalement, le système aérobie utilise l’oxygène pour dégrader le glycogène musculaire, le lactate ainsi que les acides gras. C’est le système le plus lent et qui fournit la plus petite quantité d’énergie. Cependant, c’est un système qui ne s’épuisera jamais.
Visualiser les interactions : la courbe d’Howald

Ce graph résume les contributions des différents systèmes énergétiques et leurs interactions selon les besoins et la durée de l’exercice. Comprendre comment fonctionnent ces différents systèmes permet de comprendre nos besoins en tant que grimpeur.euse et donc de pouvoir s’entrainer de façon précise et méthodique.
Le système anaérobie alactique en action
Le système anaérobie alactique est le système qui permet de fournir la plus grande quantité d’énergie le plus rapidement afin de permettre la contraction musculaire. Il dégrade en premier les molécules d’ATP (Adénosyne Tri-Phosphate) stockées dans le muscle. 3-4secondes suffisent afin d’épuiser cette source. Le système anaérobie alactique va ensuite dégrader la CP (Créatine Phosphate) afin de recréer de l’ATP.
De par ses caractéristiques, ce système va être préférentiel pour réaliser les mouvements demandant le plus de force ou de puissance, c’est-à-dire le crux de la voie. Notre capacité anaérobie, c’est-à-dire la force que nous sommes capables de produire via les systèmes anaérobie est donc étroitement liée au niveau d’un.e grimpeur.euse. Il s’agit de la force totale pouvant être produite dans un laps de temps très court (jusqu’à 120s). Une fois cette réserve épuisée, on pourra toujours produire de la force mais cette fois-ci grâce principalement à notre système aérobie. On atteint ce qu’on appelle la force critique.
L’analogie du réservoir : comprendre la force critique
Cette notion d’interaction entre capacité anaérobie et aérobie peut facilement secomprendre avec l’analogie des réservoirs :

Nous trouvons notre réservoir appelé W’ et qui correspond à cette fameuse capacité anaérobie. Plus le réservoir est gros, plus W’ est important. Ce réservoir se vide en fonction de la nécessité de produire de la force. Plus la nécessité est importante (débit du robinet de Production de Force élevé), plus le réservoir va se vider rapidement. On peut donc imaginer qu’un passage extrêmement physique va donc augmenter la demande de production de force et donc le débit du robinet.
Afin de reconstituer les réserves d’énergie anaérobie et donc remplir le réservoir W’, on peut compter sur notre système aérobie et donc notre Force Critique. Plus cette dernière sera importante, plus W’ va se remplir rapidement. Comme expliqué précédemment, si notre réservoir est vide, alors le débit du robinet de Production de Force ne pourra pas excéder le débit de remplissage de la Force Critique. En d’autres termes, si mon crux m’a totalement vidé de ma capacité anaérobie mais que la voie que je cherche à grimper n’est pas finie, je ne vais pouvoir compter que sur ma Force Critique pour enchainer. Si je dois fournir plus de force que cela, je vais tomber.
Pourquoi la force critique est capitale en escalade ?
La Force Critique et donc notre système aérobie joue donc un rôle très important en escalade. L’améliorer va donc permettre non seulement de grimper plus fort plus longtemps mais aussi de préserver notre capacité anaérobie pour le moment où j’en aurai vraiment besoin. Pour finir, une Force Critique importante va aussi permettre de récupérer plus vite, que cela soit entre deux essais d’une voie ou d’un bloc, mais aussi entre deux crux car le débit de remplissage va excéder le débit de vidange de W’.
Les systèmes anaérobie et aérobie sont donc étroitement liés et fonctionnent en concomitance. Heureusement, il est possible de les mesurer via des tests de force afin de savoir où nous nous situons et ainsi orienter nos entrainements de la façon la plus ciblée possible.

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